Pot et condo, qu’est-ce que ça sent?
14 juin 2021En 2018, alors qu’on s’apprêtait à légaliser la consommation et la culture du cannabis au pays, de nombreuses copropriétés prenaient le chemin inverse en adoptant en vitesse des règlements pour en bannir l’usage et la production dans leurs murs.
Après bientôt trois ans, comment ça se passe ?
Des règlements ont été implantés dans la plupart des grandes copropriétés, confirme Élise Beauchesne, PDG de Solution Condo, une firme spécialisée dans la gestion de copropriétés. Chez les plus petites organisations administrées par des copropriétaires bénévoles, l’essentiel du marché du condo, ça dépend de la qualité de la gestion.
La fumée, le nœud du problème
Réactionnaires, les bons syndicats de condo ? Ces restrictions ne visent pas les jujubes et les brownies au pot, mais la fumée dans les aires communes. Et comme les effluves de cannabis peuvent facilement se frayer un chemin d’une unité à une autre, certaines copropriétés ont étendu les interdictions jusque dans les parties privatives, comme les balcons, et parfois à l’intérieur même des appartements.
J’ai écrit là-dessus à l’époque où les syndicats s’empressaient de réglementer avant l’entrée en vigueur de la légalisation. J’imaginais des administrateurs, le pif en l’air, partir à la chasse aux contrevenants dans les couloirs de leur copropriété. Je m’attendais aussi à des contestations de la part des amateurs d’Island sweet skunk, trop contents d’avoir enfin la loi de leur bord et de pouvoir faire valoir leur droit devant les tribunaux.
Bref, je voyais arriver une nouvelle source de conflits dans des milieux où ce n’est pas ça qui manque.
Rares abus
Et puis finalement ? Aucun règlement n’a été contesté, selon Yves Joli-Coeur.
Le fait d’avoir réglementé l’usage du cannabis a naturellement ragaillardi l’âme de petit flic qui anime certains administrateurs. Du côté des occupants, il s’en trouve toujours pour se croire souverains parce qu’ils sont propriétaires ; ceux-là se foutent d’emboucaner le bébé qui dort dans la chambre au-dessus de leur balcon.
C’est toujours les mêmes antagonistes, qu’il s’agisse du cannabis, de la cigarette, du cigare ou du poisson pas frais dans une sauce à l’ail.
« La légalisation a probablement fait augmenter le nombre d’utilisateurs occasionnels. Ceux-là font rarement l’objet de plaintes des voisins », dit Élise Beauchesne.
Avant d’utiliser la voie judiciaire auprès des fumeurs, sa firme explore les autres solutions, la sensibilisation et l’éducation. Et ça fonctionne la majorité du temps.
« Par exemple, des copropriétaires qui consomment chez eux pensent souvent bien faire en ouvrant leurs fenêtres, mais ça crée une pression positive par rapport aux condos adjacents, ce qui fait en sorte que leur fumée sera aspirée par les unités voisines à travers les ouvertures mal scellées entre les murs », explique Mme Beauchesne.
Ce n’est vraiment qu’en dernier recours qu’un syndicat mettra un copropriétaire impénitent à l’amende.
Bien oui ! Les copropriétés sont en droit d’envoyer des contraventions aux fumeurs si leur réglementation prévoit une clause pénale !
Pas étonnant qu’on y trouve des gens qui se prennent pour la police.
LES AMENDES EN COPROPRIÉTÉ
- Tous les règlements ne sont pas tous assortis de clause pénale, mais il est possible d’en ajouter avec un vote majoritaire en assemblée générale.
- Les copropriétaires acquittent les amendes dans la majorité des cas, affirme Élise Beauchesne. Quel est le recours du syndicat pour ceux qui ne paient pas ? Pour les petits montants, le syndicat peut porter l’affaire devant la division des petites créances de la Cour du Québec, mais pour une pénalité de 250 $ pour avoir fumé un joint au bord de la piscine, il s’en donne rarement la peine.