Plus d’acheteurs étrangers à Montréal? Pas vraiment
05 juil. 2021La proportion d’acheteurs étrangers sur le marché immobilier montréalais demeure sous le record de 4,9 % atteint en 2018 dans les copropriétés.
Ce n'est qu'à compter de l'automne dernier que le gouvernement du Québec a commencé à s'intéresser à la présence des acheteurs étrangers sur le marché immobilier.
Une perception répandue selon laquelle les acheteurs étrangers contribuent à la surchauffe immobilière ne serait pas tout à fait fondée. De récentes données de JLR Solutions foncières, obtenues par Radio-Canada, démontrent que le phénomène est plutôt stable depuis cinq ans.
Sur l’île de Montréal, de 2016 à 2020, la proportion d’acheteurs étrangers est passée de 3,7 % à 4,1 % pour les copropriétés et s’est maintenue à 1,2 % pour les maisons unifamiliales. Une très faible augmentation a été observée au cours des cinq premiers mois de l'année en cours, les proportions s’établissant respectivement à 4,4 % et à 1,7 % pour un total de 343 acheteurs étrangers.
L’arrondissement de Ville-Marie demeure le lieu de prédilection en 2021 avec, jusqu’ici, 11,6 % des acheteurs de condos provenant d’un autre pays. À l’extérieur de la métropole, les résultats s’avèrent quelque peu anecdotiques.
Ce que je constate, c'est qu'il y a une hausse par rapport à ce qu'on avait il y a 10 ans. Si on regarde 2014, on a pratiquement doublé, mais depuis quelques années, ça semble plutôt stagnant.
L'économiste principale de JLR, Joanie Fontaine, explique que ces données proviennent d’acheteurs qui avaient une adresse de résidence à l’étranger au moment de la transaction. Elles peuvent donc porter à confusion, car il faut faire la distinction entre des immigrants [qui achètent dans le but de s’installer à Montréal] et des investisseurs étrangers.
Patrice Groleau, propriétaire des agences de courtage McGill Immobilier et Engel & Völkers, observe que les acquisitions faites à titre d’investissement par des étrangers demeurent l’exception à la règle à Montréal, comparativement à Vancouver et à Toronto.
On a vraiment des gens dans un processus migratoire, donc ce n’est pas de la spéculation, soutient-il. Il rappelle que près de 50 000 immigrants débarquent en moyenne au Québec chaque année – à l’exception de 2020 en raison de la pandémie. La plupart prennent pied dans la métropole. Dans certains projets de copropriétés, jusqu’à 40 % des acheteurs ne seraient pas nés au Canada.
M. Groleau évoque un exemple récent de Français qui ont acquis un penthouse sur plans de 9,5 millions de dollars. Il insiste que ces gens viennent s’établir ici, avec une piscine creusée sur leur terrasse privée en prime.
L’achat d’investisseurs étrangers est tellement négligeable que ça n'a pas d'impact sur les hausses qu'on a connues récemment ou les hausses à venir.
Le retour d’immigrants laisse néanmoins présager, selon lui, une augmentation d’acheteurs considérés encore comme non-résidents au pays. Ce qui a été retardé dans le temps devrait en ce sens être compensé dès que les frontières rouvriront.
Des données plus ou moins fiables
À la fois Joanie Fontaine et Patrice Groleau ont soulevé une problématique quant à la qualité des statistiques disponibles pour bien connaître le portrait des acheteurs étrangers. En plus de la proportion importante d’immigrants qui viennent finalement fausser les données, un phénomène de prête-noms ne doit pas être exclu.
À l’automne dernier, les économistes du ministère des Finances du Québec ont commencé à suivre les transactions au registre foncier pour avoir un meilleur portrait de la situation. La citoyenneté des acheteurs est maintenant répertoriée. À ce jour, il est trop tôt pour obtenir des informations officielles.
À Ottawa, le Programme de la statistique du logement canadien de Statistique Canada tente depuis 2017 d’obtenir l’accord du gouvernement du Québec pour acquérir des données sur les transactions immobilières dans la province.
L'absence de données pour le Québec, souligne le chef du programme Jean-Philippe Deschamps-Laporte, signifie que les décideurs publics – qu'ils soient au niveau fédéral ou provincial, du secteur à but non lucratif ou des groupes de la société publique – n'ont pas accès à des informations lors de prises de décisions.
Malgré plusieurs tentatives, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec n’a pas fourni d’explications à cet effet.
Pourtant, grâce à d’autres données déjà à sa disposition, Statistique Canada pourrait établir un profil détaillé des transactions en incluant notamment certaines caractéristiques socio-économiques. L’Ontario, la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont pour leur part accepté de partager leurs données.
Dans son dernier budget, le gouvernement fédéral a annoncé son intention d’imposer dès 2022 une taxe pancanadienne de 1 % sur les logements vacants de propriétaires étrangers qui les utilisent à des fins d’investissement. La mesure visant à lutter contre la flambée des prix de l’immobilier pourrait rapporter jusqu’à 700 millions de dollars sur quatre ans. À première vue, elle risque d’avoir peu d’effets sur le marché montréalais.