Les promesses d’achat sont en chute libre
23 mar. 2020En pleine haute saison immobilière, les visites de maisons et les promesses d’achat sont en chute libre au Québec à cause de la crainte des clients d’attraper le coronavirus, selon plusieurs courtiers contactés par Le Journal.
Alexandre Desrochers, courtier immobilier et patron de Royal LePage Excellence à Saint-Jean-sur-Richelieu, estime que les visites de maisons ont chuté de 25 % à 40 % depuis le début des mesures pour lutter contre la propagation de la COVID-19 au Québec.
Gants et désinfectant
Les promesses d’achat connaissent aussi un ralentissement marqué, selon lui. Il dit avoir mis sur pied dans son agence une cellule de crise pour aider son équipe à s’adapter à la situation.
Plusieurs courtiers contactés par Le Journal disent avoir développé un protocole strict pour gérer les rares visites qui continuent d’avoir lieu. « Je mets des gants avant d’entrer. J’ai du désinfectant, mes clients n’ont pas le droit de toucher », explique Mélanie Bergeron, courtière sous la bannière Proprio Direct à Saint-Basile-le-Grand, qui a banni toute visite libre.
Ses clients qui n’ont absolument pas le choix de vendre ou d’acheter doivent signer, avant les visites, un formulaire qui atteste qu’ils n’ont pas voyagé, n’ont pas de symptômes et ne doivent pas être en isolation.
La situation est d’autant plus préoccupante pour les courtiers qu’on est actuellement en plein cœur de la saison la plus active sur le marché. « Un courtier peut faire 75 % de son année entre février et mai », confie Alexandre Desrochers.
Ce dernier est d’autant plus inquiet que l’année 2019 a été une excellente année pour les courtiers et que certains doivent s’attendre à payer bientôt beaucoup d’impôts comme travailleurs autonomes.
« Je suis en quarantaine avec mes enfants. [...] On limite à presque zéro les contacts physiques », dit Patrice Groleau, courtier et patron de la succursale québécoise d’Engel & Völkers, spécialisée dans l’immobilier de luxe.
« Il y a du monde qui va sortir de l’industrie de façon hallucinante. Ça va écrémer l’industrie [...]. Le nombre de courtiers va être en chute libre », prédit-il. Lui-même dit dépenser 3 millions $ par année en coûts fixes et étudier ses options avec ses financiers.
« Aucun nouveau dossier à être notarié avant le 15 avril 2020 ne pourra être accepté par notre étude », a écrit cette semaine le groupe Bessette Notaires à des courtiers.
La baisse des taux d’intérêt annoncée par plusieurs banques est un coup de pouce qui normalement stimule les prix des maisons. Mais à cause d’une chute importante du nombre de transactions, le prix des propriétés devrait baisser cette année, a prédit cette semaine l’Association professionnelle des courtiers du Québec (APCQ).
Pour donner un répit à ses membres, l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) a retardé au 15 juin la date limite pour payer le permis d’exercice des courtiers.
UN MARCHÉ EN HAUSSE... AVANT LA COVID-19
- + 13 % hausse du prix des maisons à Montréal en février 2020
- + 23 % augmentation du nombre de transactions résidentielles en février 2020
(Source : APCIQ)
DES CENTAINES DE VISITES LIBRES ENCORE PRÉVUES MALGRÉ LA CRISE
Malgré l’appel des autorités publiques à éviter tout déplacement non essentiel et le risque élevé de propagation du coronavirus, des centaines de visites libres sont toujours prévues au Québec ce week-end.
Selon une recherche effectuée hier à la mi-journée sur le site Centris, quelque 217 visites libres étaient toujours à l’horaire.
Muminul Chowdury, courtier chez L’Expert immobilier P.M. inc., nous a ainsi confirmé que des portes ouvertes étaient toujours prévues ce dimanche dans un duplex à vendre dans le quartier Saint-Michel, à Montréal.
« ça ne m’inquiète pas »
Guylaine Rocheleau, agente chez Remax Plus à Chambly, nous a dit organiser elle aussi une visite libre ce dimanche pour une propriété à vendre à Saint-Jean-sur-Richelieu. « C’est sûr que j’étais en réflexion [...], mais en même temps on prend des précautions », a-t-elle argué.
Elle en avait déjà organisé une autre la semaine précédente, et ça s’était bien passé, selon elle. « On a pris nos distances, ça ne m’inquiète pas », dit-elle.
Jeudi, une visite libre était même annoncée pour un condo dans une tour abritant des centaines de personnes à L’Île-des-Sœurs. Après nous avoir confirmé que la visite était toujours prévue, l’agente nous a rappelés jeudi en soirée pour nous dire que la visite était finalement annulée.
Irresponsable
Certains courtiers s’indignent du comportement de leurs collègues.
« C’est une honte ! [...] On ne peut pas tout arrêter, on en est conscients. Par contre, il est possible de limiter les visites en personne de plusieurs façons », dit Mathieu Lagarde, copropriétaire de l’agence Christine Gauthier Immobilier. Il fait valoir que les outils existent pour procéder à des visites virtuelles.
« Il est de mise d’arrêter les visites de propriétés immédiatement, car les consignes actuelles ne prennent pas en compte qu’une personne infectée par le [coronavirus] peut être asympto-matique », affirme Jonathan Rivard, courtier chez Vendirect.
« L’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) invite les courtiers à recourir à la technologie pour proposer des stratégies de marketing alternatives telles que des visites et présentations virtuelles », nous a écrit l’APCIQ.