Les chalets locatifs, nouvel eldorado des petits investisseurs immobiliers
14 nov. 2022Les lieux de villégiature sont pris d’assaut par les petits investisseurs immobiliers qui trouvent dans la nature de meilleurs rendements que dans les plex de la métropole.
Ces investisseurs sont ciblés par les promoteurs, qui ne vendent plus tant le rêve d’une vie paisible au bord du fleuve ou d’un lac, mais la promesse de faire de l’argent en profitant aussi de leur chalet.
L’achat d’un triplex à Montréal coûte 1 M$ et plus, pour des revenus annuels moyens d’environ 55 000 $, souvent amputés par le coût des rénovations. Le chalet locatif presque neuf (2-3 chambres) peut encore être acheté pour moins cher, et générer des revenus de 60 000 $ à 70 000 $.
« C’est beaucoup moins de casse-tête, car tu confies la gestion à une compagnie sur place, tu ne collectes pas de loyer, tu es payé d’avance et tu peux en profiter quand tu veux pour tes vacances », souligne M. Calpakis.
Boom de constructions
Dans la municipalité des Éboulements, le nombre de permis de nouvelles résidences touristiques a plus que doublé en 2020-2021, en comparaison des deux années prépandémiques. À Petite-Rivière-Saint-François, aux abords du Massif de Charlevoix, pour la seule année 2021, 70 résidences touristiques ont été construites, c’est neuf fois plus qu’en 2019, avant la pandémie.
« Ce sont des résidences de grande valeur, alors ce sont des revenus de taxation très intéressants pour nous », se réjouit le maire Jean-Guy Bouchard.
Au club privé Kanata Tremblant, un domaine de 3000 acres avec deux lacs et des sentiers, 140 terrains ont été vendus en trois phases de développement, et ça continue, malgré les taux d’intérêt élevés et les coûts de construction à la hausse. Les acheteurs sont généralement des Québécois et des Ontariens. Certains acquièrent plus d’un terrain et on leur offre 20 % de rabais. Sur le site web, on vante qu’investir dans les Laurentides est « une formule gagnante et payante. »
« Quatre-vingt-dix pour cent des gens qui achètent ici, c’est pour construire et mettre les chalets en location. Il n’y a pas de ralentissement du tout chez nous parce que beaucoup de villes des Laurentides enlèvent des droits de location court terme à cause des plaintes », rapporte Elizabeth Vanderhoven, responsable du développement chez Kanata.
« Aussi, aux alentours de Toronto, tu as un shack pour 1 M$ et il faut tout rénover. Les Ontariens qui achètent, ici ça va leur coûter 1 M$ avec le terrain et le chalet, mais ils vont en avoir pour leur argent ! » renchérit Mme Vanderhoven.
Dans les Laurentides, il y a d’autres développements d’envergure, comme L’Hymne des Trembles, versant sud, qui prévoit jusqu’à 500 chalets. Ailleurs dans la région, le promoteur Anthony Gibault bâtit différents projets, totalisant 500 chalets locatifs. Et on pourrait allonger la liste.
« Ce qui rend les secteurs des Laurentides et de Charlevoix attractifs, ce sont les activités en périphérie, sur quatre saisons, à 30 minutes ou moins de l’hébergement. Ce sont les montagnes de ski en bonne santé qui font fonctionner les chalets », observe Philippe Hamel de Monsieur Chalets.
Actif dans le domaine de la location de chalets depuis une douzaine d’années, il vient de lancer une plateforme transactionnelle gratuite pour les propriétaires et il a acheté le site web Québec location de chalets, en plus de posséder 10 chalets locatifs. Selon ses données, les prix à la nuitée ont augmenté de 27 % pendant la période COVID pour les chalets de trois chambres et moins.
« Pour 2022, même si les gens peuvent voyager ailleurs, on n’a pas observé de baisse de demande. On a un volume aussi élevé qu’en 2021 », dit-il. Les hébergements créatifs, de type maison sur l’eau ou dans les arbres, sont particulièrement prisés, remarque M. Hamel.
Cette popularité des chalets locatifs stimule la construction, ce qui a forcément un impact sur les paysages et le mode de vie. Dans Charlevoix, le développement intense autour de la station de ski le Massif de même que l’arrivée potentielle du projet GéoLAGON, avec ses 300 chalets locatifs doubles, soulèvent l’inquiétude.
« On est une réserve mondiale de la biosphère de l’UNESCO. Alors que veut-on pour le futur ? Que tous les paysages soient exploités ? » demande le maire de Baie-Saint-Paul, Michaël Pilote, plaidant pour une approche responsable.
Il doute que l’acceptabilité sociale puisse être atteinte avec le projet, malgré son succès en prévente. M. Pilote souhaite que la région investisse maintenant pour loger les travailleurs, car la rareté de logements est un obstacle énorme au recrutement, notamment des infirmières et autres professionnels dont le milieu a désespérément besoin.