La fin du Klondike «immobilier»
26 sept. 2022CHRONIQUE / C’était écrit quelque part dans le ciel immobilier: ce n’était qu’une question de temps avant que le marché se refroidisse après avoir été en surchauffe.
Ce temps-là est arrivé. C’est la fin du Klondike.
On ne se bouscule plus au portillon pour acheter des maisons en mode surenchère. On se questionne maintenant sur la pertinence d’acheter... ou de ne pas acheter.
À preuve: le nombre d’inscriptions en vigueur a bondi de 21% en août dernier, comparativement au même mois, en 2021. Au cours de la même période, le nombre de transactions a par ailleurs fléchi de 15%.
On ne parle pas encore d’un marché favorable aux acheteurs, mais il semble révolu, ce temps pas si lointain, où les vendeurs avaient le plus gros bout du bâton.
On constate même que la tendance s’est inversée. Il y a un an à peine, les maisons ne restaient pas longtemps sur le marché et les acheteurs faisaient des offres largement au-dessus du prix affiché. Il y a un mois à peine, c’était tout le contraire. Les maisons ne se vendent plus à un rythme fou et les acheteurs y pensent par deux fois avant de déposer une offre.
Prix en baisse
Signe que le marché décline, les prix ont commencé à chuter. La baisse atteint maintenant 10% par rapport au sommet d’avril 2022. La maison unifamiliale qui se vendait 579 000 dollars, dans la région métropolitaine de Montréal, a désormais une valeur marchande de 525 000 dollars.
Cette correction du marché ne vise pas uniquement le «gros marché» montréalais. Cela vaut également pour l’ensemble du Québec (prix moyen: 425 000 dollars) mais dans une moindre mesure, les prix ayant progressé moins rapidement en région.
Faut-il s’attendre à ce que cette glissade se poursuive encore longtemps? Faut-il se fier aux projections pour le moins inquiétantes de plusieurs institutions prêteuses qui croient que la correction pourrait atteindre au minimum 20% dans un scénario de récession?
«C’est certain qu’il y aura encore des baisses [de prix], expose Charles Brant, directeur, Analyse de marchés, à l’APCIQ. On devrait atteindre un creux à la mi-2023.»
Il ne cache pas que les hausses répétitives des taux d’intérêt hypothécaires ont fait très mal aux acheteurs, devenus plus craintifs, avec raison. Et ce n’est pas terminé. À moins de changement, les taux seront encore majorés en octobre, tout cela en lien avec la hausse du taux directeur de la Banque du Canada.
Si vous voulez acheter une propriété à 449 000 dollars, avec une mise de fonds de 22 450 dollars, soit le 5% exigé pour vous qualifier, vos versements aux deux semaines vont atteindre 1236,78 dollars, en supposant que le taux négocié avec la banque sera de 4,97%.
Il vous en coûtera la rondelette somme de 2473,56 chaque mois. C’est sans compter les taxes foncières et la taxe scolaire. On peut facilement parler d’une facture fiscale de 4221 dollars par année.
C’est beaucoup d’argent pour accéder à la propriété. Pas étonnant que les premiers acheteurs, tout particulièrement, ont mis sur la glace leurs projets d’acquisition.
«Bien des choses ont changé depuis un an, précise Charles Brant. La psychologie des ménages a changé également. Les acheteurs attendent que les prix baissent et les vendeurs se précipitent pour vendre le plus rapidement possible.»
Rien à voir, vous en conviendrez, avec le portrait qu’on brossait il y a un an. Les vendeurs sont devenus plus nerveux, plus fébriles, et ils acceptent désormais les offres d’achat conditionnelles. Pour dire les choses plus simplement: ils sont plus parlables.
«On n’est plus dans un ratio de surchauffe, pointe l’économiste de l’Association qui regroupe 14 000 courtiers immobiliers. Le nombre de ventes en surenchère a diminué de moitié et les prix se sont ajustés en conséquence. On peut dire qu’ils correspondent davantage à la valeur réelle du marché.»
Il ne faudrait surtout pas conclure que les vendeurs y perdent au change. Il y a encore de l’activité dans le marché de la revente et la demande demeure relativement soutenue.
Et les chalets...
Qu’en est-il du marché des chalets? Les acheteurs de résidences secondaires, si nombreux à se manifester durant la pandémie pour fuir la ville, sont-ils toujours aussi présents?
«Il y a un impact là aussi, constate le directeur de marchés. Ce sont surtout les investisseurs qui semblent plus sensibles face à la nouvelle réalité économique. Ce sont eux qui sont les premiers à sortir du marché pour empocher leurs gains avant que les prix ne se mettent à diminuer.»
Il parle de «l’effet toboggan», une jolie expression qui dit tout en deux mots!
Les investisseurs se trouvent à déstabiliser le marché en agissant de la sorte. Ils accélèrent la baisse de prix, et ça se fait au détriment des vendeurs «individuels».
Paraît-il, aussi, que ces mêmes investisseurs ont de plus en plus recours aux services des courtiers immobiliers pour... louer leurs propriétés situées dans les marchés de villégiature, que l’on pense à la région des Laurentides, aux Cantons de l’Est et même dans Charlevoix.
Encore l’hiver dernier, on pouvait louer un «beau chalet» à prix d’or, simplement par le bouche-à-oreille. Plus maintenant. On doit désormais confier des mandats de location, faute de rejoindre les clients potentiels... qui ne sont plus prêts à engloutir des milliers de dollars pour louer un chalet au pied des pistes, ou en bord de lac.
Vous songez toujours à acheter une maison à Trois-Rivières, Sherbrooke, Gatineau, Granby, Saguenay ou Québec?
Ne perdez pas espoir. Il se pourrait fort bien qu’une fois la tempête passée, et l’inflation contenue, que l’offre de propriétés à vendre devienne plus «intéressante».
À suivre.