La dangereuse bulle immobilière?
13 oct. 2020Le marché immobilier résidentiel dans la grande région métropolitaine de Montréal est sur les stéroïdes alors qu’une bulle immobilière se gonfle à vue d’œil.
Le prix médian d’une maison unifamiliale a explosé de 21 % en 12 mois, pour atteindre en septembre dernier les 430 000 $, soit 76 000 $ de plus qu’en septembre 2019. Pendant ce temps, le prix médian d’une copropriété grimpait de 10 %, passant de 290 000 $ à 318 000 $ (+28 000 $). Et celui d’un plex (2 à 5 logements) atteignait les 610 000 $, lui aussi en hausse de 10 %, soit 53 500 $.
Voyons donc ! Plus de 40 % des secteurs économiques ont été paralysés pendant plusieurs mois. Plein de gens se sont retrouvés sur le carreau, sans job, aux crochets de la Prestation canadienne d’urgence. Nombre d’entreprises ont dû fermer leurs portes ou réduire considérablement leurs activités commerciales.
Beaucoup de ménages ont été forcés de reporter leurs paiements de dette.
Comment peut-on expliquer le phénomène d’une telle bulle immobilière ?
Les hypothèses
Comme les acheteurs potentiels avaient retardé leurs achats en raison du confinement du printemps dernier, cela a eu pour effet de générer, semble-t-il, une demande refoulée, laquelle aurait largement contribué à la hausse des prix des maisons.
Deuxième hypothèse à l’appui de la flambée actuelle des prix : la baisse des taux hypothécaires à la suite de la diminution marquée du taux directeur de la Banque du Canada. Ce serait, dit-on, un grand incitatif pour les ménages qui cherchent à acheter une propriété.
Autre argument évoqué : malgré la hausse des prix, les propriétés dans la grande région métropolitaine de Montréal restent encore nettement abordables à comparer aux régions métropolitaines de Vancouver, Victoria, Toronto, Hamilton. Cela laisse croire aux acheteurs potentiels qu’ils bénéficieraient d’une importante marge de manœuvre avant d’atteindre un pic dans le prix de nos propriétés.
Plusieurs embûches se dressent devant la demande immobilière.
Un, on est en pleine deuxième vague de COVID-19, ce qui entraîne la fermeture de plusieurs activités commerciales. On parle même d’une possible troisième vague qui surviendrait l’hiver prochain. Deux, le gouvernement fédéral ne pourra plus se montrer aussi « généreux » envers les éclopés de la COVID-19 (travailleurs et entreprises éclopés) qu’il l’a été jusqu’à la fin de septembre. Même chose pour le gouvernement du Québec.
Trois, l’actuelle crise économique risque de perdurer plus longtemps qu’on le croyait.
Quatre, le ralentissement de l’immigration va automatiquement exercer une pression à la baisse sur le marché de l’habitation, notamment sur l’achat de propriétés. Cinq, le niveau d’endettement des ménages est très élevé.
Six, la SCHL se fait maintenant plus restrictive dans son programme d’assurance des hypothèques contractées par les ménages qui versent moins de 20 % de mise de fonds à l’achat d’une propriété.
Mise en garde de la SCHL
S’il y a un organisme gouvernemental qui s’y connaît bien en marché immobilier, c’est bien la SCHL.
Dans son évaluation du marché de l’habitation du troisième trimestre, la SCHL fait le point sur l’effet de la COVID-19 sur ledit marché.
« Nous demeurons préoccupés par la stabilité à long terme du marché de l’habitation. Avec le choc sans précédent provoqué par la COVID-19, nous faisons face à des risques qui n’étaient pas pris en compte auparavant... »
En juin dernier, la SCHL prévoyait une baisse de 9 à 18 % du prix des logements au cours des 12 prochains mois. Voilà pourquoi, elle a resserré ses politiques de souscription des prêts hypothécaires assurés.
En vigueur depuis le 1er juillet, les changements ciblent spécifiquement les emprunteurs à plus haut risque qui offrent une mise de fonds inférieure à 20 %, nécessitant ainsi une telle assurance de la part de la SCHL. En passant, quelque 35 % des prêts hypothécaires consentis par les banques canadiennes sont assurés soit par la SCHL soit par un assureur privé, comme Genworth Canada.
La cote de crédit requise pour contracter un emprunt hypothécaire a été haussée. L’emprunt d’argent en provenance d’autres sources (comme celle d’une marge de crédit) pour effectuer la mise de fonds est dorénavant interdit. La SCHL a également resserré les ratios d’endettement liés à la portion du revenu annuel servant à débourser les versements hypothécaires, les impôts fonciers, les frais de condo et les frais de chauffage.
Le rapport d’amortissement brut de la dette liée à la propriété ne doit pas dépasser 35 % du revenu annuel, à comparer à 39 % auparavant. Le ratio d’amortissement total de la dette (incluant l’intérêt sur les cartes de crédit, les paiements de voiture et autres dettes) est passé de 44 % à 42 %.
Par ces mesures, la SCHL veut éviter que le Canada revive d’importants déséquilibres dans le marché immobilier résidentiel comme ce fut le cas à la fin des années 1980 et en 2008-2009.
L’ÉVOLUTION DU MARCHÉ RÉSIDENTIEL DEPUIS 12 ANS
MARCHÉ | SEPTEMBRE 2020 | SEPTEMBRE 2019 | 2013 | 2008 |
Résidentiel | Prix médian $ | Prix médian $ | Prix $ | Prix $ |
RMR Montréal | ||||
Unifamiliale | 430 000 | 354 000 | 279 500 | 225 400 |
Copropriété | 318 000 | 290 000 | 227 000 | 184 550 |
Plex (2-5 logements) | 610 000 | 556 500 | 425 000 | 334 600 |
Île de Montréal | ||||
Unifamiliale | 630 000 | 532 000 | 380 000 | 290 000 |
Copropriété | 392 250 | 355 000 | 265 000 | 215 400 |
Plex (2-5 logements) | 699 000 | 615 000 | 450 000 | 351 500 |
Laval | ||||
Unifamiliale | 430 000 | 350 000 | 288 000 | 230 400 |
Copropriété | 285 500 | 248 500 | 211 000 | 167 400 |
Rive-Nord de Montréal | ||||
Unifamiliale | 365 000 | 285 500 | 237 500 | 196 000 |
Copropriété | 225 000 | 196 750 | 175 000 | 143 400 |
Rive-Sud de Montréal | ||||
Unifamiliale | 429 950 | 357 500 | 269 000 | 220 750 |
Copropriété | 270 000 | 232 000 | 193 000 | 164 950 |
RMR Québec | ||||
Unifamiliale | 282 500 | 258 250 | 245 000 | 182 800 |
Copropriété | 201 500 | 187 500 | 200 000 | 147 000 |