Hausse des taux: une douche froide sur un marché en feu
07 nov. 2022Le marché immobilier commence à retrouver une activité plus équilibrée à certains endroits, même s’il est encore loin d’être le même qu’avant la pandémie, après deux années de flambée des prix.
«On voit vraiment un changement depuis quelques semaines: il y a moins d’offres multiples, les maisons restent plus longtemps sur le marché, les prix diminuent un peu et on recommence à voir des négociations», soutient Matthieu Jodoin, courtier immobilier RE/MAX à Gatineau, en Outaouais.
«Pendant la COVID, on pouvait recevoir 80 appels pour une maison ou avoir des offres allant jusqu’à 180 000$ de plus que le prix de vente, c’était la folie», affirme de son côté Geneviève Grandmont, courtière immobilière chez Via Capitale en Estrie.
Accalmie
Mais avec la hausse importante des taux d’intérêt, le marché commence à se calmer, ont confirmé plusieurs professionnels.
DEPUIS UN AN AU QUÉBEC
NOMBRE
DE VENTES
-18%
PRIX MÉDIAN
UNIFAMILIALE
+18%
DÉLAI DE VENTE
UNIFAMILIALE
SEPTEMBRE 2022
43 jours
2021 : 46 jours
PRIX MÉDIAN
CONDO
+15%
DÉLAI DE VENTE
CONDO
SEPTEMBRE 2022
49 jours
2021 : 55 jours
SOURCE : APCIQ
À Rimouski, dans le Bas-Saint-Laurent, le marché ralentit, confirme aussi Danie Truchon, courtière immobilière dans la région depuis plusieurs années.
«Le marché est encore excellent ici, mais c’est sûr que le téléphone sonne beaucoup moins que pendant la pandémie», s’amuse-t-elle à illustrer.
Même son de cloche du côté de Lanaudière, ajoute Tristan Bouchard.
«Les gens se mettent un peu moins à acheter en ce moment avec la hausse des taux d’intérêt», observe le courtier de RE/MAX Crystal.
À mi-chemin
Située à mi-chemin entre Montréal et Québec, la Mauricie a été une région de choix pour de nombreux citadins qui voulaient quitter les grandes villes grâce au télétravail.
«Même si l’achalandage reste pas mal le même, on retrouve plus ce qu’on avait avant, notamment en termes de délais de vente. Pendant la pandémie, on pouvait vendre en une semaine, maintenant, c’est plus en moyenne 30 jours», remarque Kenny Hamel, de chez RE/MAX de Francheville.
Par ailleurs, c’est aussi la surenchère qui disparaît petit à petit, remarquent de nombreux courtiers.
Plus logique
À Montréal, le phénomène commence toutefois à se dissiper.
«On a encore des propriétés qui se vendent en offres multiples, mais c’est du cas par cas. Ce ne sont pas toutes les maisons qui se vendent en surenchère. Le marché devient plus logique et c’est une bonne nouvelle pour les acheteurs», indique Simon Bellemare, courtier immobilier chez RE/MAX à Montréal.
Du côté de la Rive-Sud de Montréal, c’est la même chose, prévient Sasha Dusseault, de RE/MAX Extra en Montérégie, même si les offres multiples restent une réalité pour certains secteurs.
«Ce qui n’est pas trop loin de Montréal, le marché est encore très fort. Ça arrive encore qu’on soit face à une dizaine d’offres et qu’on doive surenchérir de 50 000$», dit-elle.
Le retour en force des taux fixes
MARTIN JOLICOEUR
Le Journal de Montréal
Les cinq hausses successives des taux directeurs de la Banque du Canada depuis le début de 2022 auront eu pour conséquence claire de détourner les emprunteurs des hypothèques à taux variables.
«Le vent a tourné. Les hypothèques à taux fixes redeviennent populaires», constate Hugo Leroux, président du Groupe Hypotheca, un important cabinet de courtage hypothécaire.
Tirant avantage de taux historiquement bas, les emprunteurs s’étaient massivement tournés vers les hypothèques à taux variables au cours des dernières années. C’était le cas de certainement la moitié des nouveaux emprunts, affirme M. Leroux.
Avertissement du gouverneur
En septembre, la banque centrale a augmenté son taux directeur de trois quarts de point (0,75%), le faisant passer à 3,25%. Il s’agissait d’une cinquième hausse de suite, après celles de 0,25%, de 0,50% et de 1% plus tôt cette année.
À l’instar de la Banque fédérale américaine (la Fed), la Banque du Canada cherche ainsi à juguler l’inflation, pour la ramener à 2% par année. En juin, l’inflation se situait à 8,1%. En septembre, elle s’était légèrement repliée pour s’établir à 6,9%.
Les effets de la COVID-19, les perturbations persistantes de la chaîne logistique et la guerre en Ukraine «continuent de freiner la croissance et de faire monter les prix», a indiqué son gouverneur, Tiff Macklem. D’un même souffle, ce dernier a prévenu que d’autres hausses seraient nécessaires pour parvenir à ses fins.
Changement en demi-teinte
Si, dans un tel contexte, les hypothèques à taux fixes regagnent en popularité, on remarque qu’à la différence des années passées, les emprunteurs misent sur des ententes couvrant de plus courtes périodes, soit trois ans au lieu de cinq.
Après avoir fait le pari des taux variables, beaucoup d’emprunteurs optent maintenant pour la sécurité des taux fixes pendant quelques années (de deux à trois ans), tout en s’offrant la liberté de pouvoir négocier leur entente, advenant que les taux se remettent à baisser rapidement par la suite.
Selon la situation financière de chacun, il s’agit d’une stratégie qui pourrait s’avérer avantageuse, estime M. Leroux. Selon la plupart des économistes, dont Hélène Bégin, du Mouvement Desjardins, les taux pourraient se remettre à baisser à compter de la fin de 2023.