Dix choses à savoir avant d'acheter
03 sept. 20191.
GESTIONNAIRE DE RELATIONS HUMAINES
Soyez prêts à devenir de véritables gestionnaires de relations humaines. « S’il y a des locataires qui sont en guerre les uns contre les autres, on ne peut pas dire qu’ils s’arrangent ensemble, je ne suis pas gestionnaire de leur vie, prévient Martin A. Messier, président de l’Association des propriétaires du Québec (APQ). On a l’obligation de faire en sorte que tout le monde vive paisiblement dans l’immeuble. »
Martin A. Messier rappelle qu’il y a des locataires autonomes et d’autres qui appellent à 3 h du matin pour qu’on vienne sur-le-champ déboucher leur toilette.
« Les locataires sont des clients, et certains sont plus des emmerdeurs, constate Hans Brouillette, directeur des affaires publiques à la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ). Et parmi les propriétaires, il y a des gens intransigeants qui ont de la difficulté à négocier, qui s’emportent facilement, qui gèrent mal leurs émotions. Mais ça s’apprend, ça se développe et ça s’améliore. »
Hans Brouillette tient cependant à rassurer les futurs acheteurs. Selon un sondage de la CORPIQ, 93 % des locataires affirment avoir une bonne ou une très bonne relation avec leur propriétaire.
2.
POSER LES BONNES QUESTIONS À TOUS LES LOCATAIRES
Vous visitez l’immeuble rapidement en ne vous informant que sur le prix des loyers ? Vous risquez de faire des cauchemars plus tard. Le président de l’APQ suggère de rencontrer tous les locataires et de leur poser des questions simples : « Comment ça fonctionne ici ? Est-ce que vos relations avec le propriétaire et les voisins sont bonnes ? Avez-vous eu des problèmes ces dernières années ? De bruit, de chauffage, de dégâts d’eau, de moisissures ? Au lieu d’avoir une poursuite après l’achat contre l’ancien propriétaire, on pourra soit renégocier ou ne pas acheter l’immeuble. »
3.
VISITE COMPLÈTE ET INSPECTION OBLIGATOIRE
L’inspection est essentielle pour évaluer les dépenses à court et à moyen terme de l’immeuble. « Sur papier, le rendement est peut-être beau, mais si j’ai de l’amiante, des problèmes avec les fondations, de l’infiltration d’eau, des moisissures et que je dois réaliser des travaux, ça va me coûter beaucoup plus cher », met en garde Martin A. Messier.
« Les gens veulent aller trop vite, raconte Nathalie Bégin, courtière immobilière et présidente de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ). Ils se disent : “Ce n’est pas grave, j’ai visité le rez-de-chaussée, c’est là que je vais habiter.” Mais la visite de tous les logements, c’est important pour savoir s’il y a des travaux à faire. Ça donne aussi une idée de qui habite le logement et dans quel état il l’entretient. » Méfiez-vous des propriétaires qui multiplient les raisons pour éviter la visite d’un des appartements.
4.
ENQUÊTER SUR LE QUARTIER
Est-ce un quartier avec un taux de criminalité élevé ? Des gangs de rue ? Martin A. Messier suggère d’aller vivre quelques heures dans le quartier. « Ne passez pas à 30 km/h en restant dans le véhicule ! Allez manger au petit restaurant du coin et regardez ce qui se passe. Vérifiez aussi de quelle façon évolue le quartier. Des fois, il y a un redressement qui arrive. Le marché est bon. »
5.
LES VÉRIFICATIONS DE BASE
Regardez du côté de la Ville s’il y a eu des amendes, des avis d’infraction et si les taxes sont payées. Même chose du côté de la Régie du bâtiment et de la Régie du logement. « Si on regarde le nombre de causes à la Régie du logement, 60 % des litiges concernent le non-paiement de loyer », rappelle Hans Brouillette, directeur des affaires publiques à la CORPIQ.
6.
MISER SUR LA PIQUERIE
« Des gens me disent qu’ils veulent acheter un immeuble récent qui n’a pas de travaux à faire avec de bons loyers, bien situé et en demande, relate Hans Brouillette. C’est sûr que vous diminuez de beaucoup votre risque, mais l’immeuble va être très cher et vous allez diminuer votre rendement. » Si vous êtes tolérant au risque et que vous souhaitez avoir un rendement rapidement, M. Brouillette suggère de considérer des options moins classiques. « Quelqu’un qui achète un immeuble défraîchi avec du trafic de drogue pourra négocier un bon prix, faire le ménage, obtenir les résiliations de bail, rénover, relouer et éventuellement vendre l’immeuble dans un an ou deux avec des locataires qui payent bien, dont les loyers sont au niveau du marché. »
7.
UN BON INVESTISSEMENT, VRAIMENT ?
Les années de gloire des plex sont derrière nous, affirme sans hésiter Martin Provencher, auteur, conférencier et promoteur immobilier. « Si vous avez l’intention de vous acheter un plex comme investissement pur et non pour y habiter, ce n’est pas un bon investissement. Début 1990, je payais cinq fois les revenus bruts, là, c’est quinze fois les revenus bruts. Mathématiquement, ça ne marche plus. Par contre, si on reste pendant 30 ans, que ce soit dans une maison, un condo ou un plex, l’effet du temps va faire que c’est un bon investissement. » Martin Provencher souligne aussi que la stratégie d’acheter et de revendre constamment nuit au rendement à cause des frais. Il rappelle aussi que les augmentations de loyer n’ont pas suivi le coût de la vie, mais que le prix des plex, lui, n’a jamais cessé d’augmenter depuis 20 ans. « On est rendu avec un fossé abyssal qui fait que c’est difficile de rentabiliser l’achat. »
Hans Brouillette conseille pour sa part d’établir des objectifs précis.
« Est-ce que je veux l’habiter et réduire mes coûts d’habitation ? Est-ce que j’en ai besoin pour me constituer un fonds de pension ? Si les gens veulent acheter aujourd’hui et revendre dans cinq ans en faisant un gain en capital qui double la valeur de l’immeuble, je dirais qu’on n’est plus dans l’explosion de la période 2000 à 2010, la croissance a ralenti. » Avant, les gens misaient sur les loyers pour payer l’hypothèque, rappelle Nathalie Bégin. « Il y a 20 ans, on faisait du profit mensuellement. Ça fait plusieurs années que ça n’existe plus même dans le gros plex. Les gens vont acheter maintenant sur du long terme, parce que l’immobilier est plus sûr que la Bourse. »
8.
LA FACTURE DES TRAVAUX AUX LOCATAIRES ?
Le parc immobilier est vieillissant au Québec. Pas de problème, vous allez rénover et refiler la facture aux locataires ? Impossible.
« La Régie du logement prend le montant des travaux qu’on a réalisés et le met dans une formule qui donnait pour l’année 2018 une augmentation de 2,7 %, calcule Martin A. Messier. Ça veut dire que ça prend plus de 35 ans avant de récupérer son investissement. Ce n’est pas tout à fait la même affaire que de le récupérer dans la première année. »
9.
REPRISE DE POSSESSION D’UN LOGEMENT
Vous comptez vivre au rez-de-chaussée ou mettre un de vos enfants dans un logement ? C’est automatique et ça ne coûte rien, croyez-vous ? Au contraire, mettent en garde les experts. Tout d’abord, prévoyez de payer des frais de déménagement et des mois de loyer gratuit. Ensuite, ayez en tête que les locataires ne partiront pas quand bon vous semblera.
« Pour un bail de plus de 12 mois, il faut envoyer un avis au moins six mois avant la fin du bail, explique Martin A. Messier, président de l’Association des propriétaires du Québec. Ça implique qu’on ne déménagera pas quand on veut. J’ai une cliente qui a acheté un plex, vendu la maison de sa mère, et ils s’entassent dans un logement en attendant de pouvoir reprendre le leur. »
La reprise est interdite par la loi si vous achetez à deux et que vous n’êtes pas conjoints. Interdit aussi par la loi d’évincer une personne âgée, rappelle Nathalie Bégin, courtière immobilière et présidente de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec. « Depuis 2016, si les gens qui habitent dans le logement ont 70 ans et plus, qu’ils y habitent depuis plus de 10 ans et qu’ils ont un revenu égal ou inférieur au maximum qui leur permet d’être admissibles à un logement à loyer modique, ils ont le droit de rester là à vie. »
10.
VÉRIFIER LES BAUX
Plusieurs personnes sont trop pressées d’acheter, constate Nathalie Bégin, de l’APCIQ. « On enlève beaucoup de conditions dans les offres d’achat. Les acheteurs disent : “Ah, ce n’est pas grave”, mais il y a souvent des ententes qui ont été faites dans le passé. C’est vraiment essentiel pour le futur propriétaire occupant. »
Nathalie Bégin cite en exemple un locataire qui a le droit de prendre le stationnement, de profiter de la cour et même de la piscine. Avez-vous envie qu’il débarque lors de vos fêtes familiales ?
Martin A. Messier soutient, de son côté, que les baux peuvent en dire long sur la qualité des locataires.
Imaginez qu’en regardant les baux, vous vous rendiez compte que tout le monde a emménagé il y a six mois ?
« C’est arrivé à une enseignante, raconte M. Messier. On s’est retrouvés à évincer quatre des six locataires. Ça fait un trou dans le budget quand l’hypothèque arrive. Oui, on a des recours, mais je ne peux rien faire si les locataires n’ont pas d’argent. »