Des versements hypothécaires moins fixes que prévu
23 nov. 2022L’augmentation des taux d’intérêt viendra rattraper « une forte proportion » de ceux qui ont contracté des prêts hypothécaires à taux variable, prévient la Banque du Canada. Y compris ceux qui se croyaient à l’abri parce qu’ils avaient choisi l’option des versements fixes.
Environ la moitié des prêts hypothécaires à taux variable, mais aux versements censés rester fixes, ont déjà atteint ou dépassé le point où un mode ou l’autre de changement devra quand même leur être apporté, indiquait mardi une étude dévoilée par la banque centrale canadienne. Comme les marchés financiers s’attendent déjà à une autre hausse de 50 points de base des taux d’intérêt d’ici le milieu de l’année prochaine, cette proportion de ménages touchés pourrait alors s’élever à 65 %, soit près de 17 % de l’ensemble des prêts hypothécaires, tous types confondus.
Au Canada, un peu plus du tiers (35 %) des personnes ont contracté une forme ou l’autre de prêt hypothécaire, un autre tiers étant locataires (37 %) et les Canadiens restants (28 %) étant des propriétaires sans prêt hypothécaire. Parmi les propriétaires d’un logement qui ont un prêt hypothécaire, plus des deux tiers ont contracté un prêt à taux fixe, c’est-à-dire qu’ils ont été à l’abri de la forte augmentation des taux d’intérêt des derniers mois et qu’ils le resteront jusqu’au terme de ce prêt. Et sur les 10 % de Canadiens qui ont contracté un prêt hypothécaire à taux variable, seulement un cinquième (2 %) a choisi l’option à versement variable, c’est-à-dire que le montant dû chaque mois suit les moindres soubresauts des taux d’intérêt.
Pour les 8 % de Canadiens qui ont choisi un prêt hypothécaire à taux variable, mais à versement fixe, le montant dû chaque mois est censé rester le même, c’est la proportion de ce versement qui va aux intérêts qui devrait augmenter et celle qui va au remboursement du capital emprunté qui devrait diminuer lorsque les taux d’intérêt grimpent, et vice versa. Mais ce mécanisme fonctionne seulement jusqu’à ce que ces taux d’intérêt atteignent ce qu’on appelle le « taux limite », c’est-à-dire quand le montant requis au seul paiement des taux d’intérêt dépasse celui du versement total.
Ménages vulnérables
Ce taux limite sera atteint plus vite par les ménages qui ont contracté leur prêt hypothécaire sur une période d’amortissement plus longue et lorsque les taux d’intérêt étaient à leur plus bas durant la pandémie de COVID-19, préviennent les économistes de la Banque du Canada. Dans le cas, par exemple, d’un prêt hypothécaire sur 30 ans dont le taux d’intérêt initial était de 1,5 %, les versements mensuels devraient déjà être augmentés de 20 % pour couvrir seulement les frais d’intérêt et sans pouvoir verser un sou au remboursement du capital.
Les institutions prêteuses adoptent différentes approches envers les emprunteurs qui ont atteint leur taux limite, note la Banque du Canada. Certaines augmentent automatiquement les versements hypothécaires requis. D’autres permettent un « amortissement négatif », c’est-à-dire que le manque à gagner entre les versements mensuels et les frais d’intérêt dus vient s’ajouter au capital qu’il faudra rembourser. D’autres, enfin, communiquent avec leurs clients pour leur offrir différentes options, comme passer à un prêt hypothécaire à taux fixe ou effectuer un versement forfaitaire pour compenser le décalage.
Au Mouvement Desjardins, on a pris contact avec « la majorité » de ces clients « qui pourraient être vulnérables devant la hausse des taux d’intérêt » pour leur proposer un peu toutes ces options, a indiqué par courriel au Devoir sa porte-parole Chantal Corbeil. « Ils sont peu nombreux. »
Interrogées sur le même sujet par le Globe and Mail lundi, les banques TD et CIBC ont dit adopter sensiblement la même politique que Desjardins, alors que les banques Scotia et Royale rejettent d’idée d’un amortissement négatif.
Habituellement très loin derrière les prêts hypothécaires à taux fixe, les prêts à taux variable ont gagné en popularité durant la pandémie, au point de constituer près de la moitié des nouveaux prêts hypothécaires à partir du milieu de l’année dernière.
Dans un discours présenté mardi à Ottawa, la première sous-gouverneure de la Banque du Canada, Carolyn Rogers, a rappelé que l’endettement des ménages et le prix des logements sont « deux vulnérabilités qui planent sur le système financier canadien depuis longtemps ». Elle s’est aussi dite bien consciente que le rajustement à la hausse accélérée des taux d’intérêt « ne se fera pas sans peine », particulièrement pour ceux-là mêmes « qui ont récemment acheté une propriété — peut-être à la limite de leurs moyens — et qui ont choisi un prêt hypothécaire à taux variable ». « Ils ne représentent pas une grande proportion des ménages, mais celle-ci est plus importante que ce à quoi on aurait pu s’attendre en se basant sur les tendances historiques », a-t-elle dit.