Des répercussions difficiles à évaluer
29 mars 2020Avec les Bourses en baisse de 30 à 50 %, les conséquences économiques de la pandémie de COVID-19 risquent d’être importantes et de perdurer. Quelles en seront les répercussions sur le marché immobilier ? Difficile à prédire, d’autant que la situation évolue rapidement.
« La réponse que je vous donne aujourd’hui aurait été différente il y a une semaine, et sera probablement différente de celle que je vous donnerai la semaine prochaine », met en garde Robert Hogue, économiste principal chez RBC Canada.
« Nous sommes au début de la crise. Contrairement aux marchés boursiers ou aux marchés des obligations, le marché immobilier prend un peu plus de temps à refléter les événements dans ses prix », explique Ahmad Al-Haji, professeur au Département des finances de l’UQAM.
À long terme, les effets de cette crise risquent d’être vécus différemment dans les diverses catégories d’immobilier (résidentiel, commercial, institutionnel, etc.). Selon Unsal Ozdilek, professeur et directeur de programme en immobilier à l’UQAM, ceux-ci ne seront pas ressentis avant deux ou trois semaines.
Du côté de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, on dit qu’il est trop tôt pour évaluer les effets que la crise aura sur le marché du logement. « Nous surveillons l’évolution de la situation », nous confirme-t-on, ajoutant que le prochain rapport Perspectives du marché de l’habitation est prévu au début d’avril.
Coussin
La crise frappe toutefois à un moment où le marché immobilier était en pleine ébullition. « Ça donne un certain coussin pour absorber une baisse d’activité », explique M. Hogue. En effet, les projections de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) en janvier 2020 étaient très positives, avec un nombre record de 51 329 ventes résidentielles dans la RMR de Montréal en 2019, soit une croissance de 10 % par rapport à 2018. Pour l’instant, l’APCIQ surveille la situation d’heure en heure.
Malgré une conjoncture favorable pour les marchés, les recommandations des experts en santé publique risquent à court terme de mener à une baisse de l’intérêt des acheteurs et des vendeurs, croit M. Hogue, ce qui risque de jouer sur les prix. « Ce qui est probable en date d’aujourd’hui, c’est que la hausse des prix va ralentir, peut-être aller au plat. Mais je ne m’attends pas à une baisse importante des prix », précise-t-il. Le tout dans l’hypothèse où il y aurait une récession dans les prochains mois,qui serait tout de même de courte durée. À très court terme, le marché sera donc avantageux pour les acheteurs, croit M. Al-Hajij.
Ampleur à définir
Or, l’ampleur de l’impact dépendra de la durée de la crise. « Nous n’avons en fait aucune idée de la durée qu’aura cette crise. Normalement, en ce moment, c’est la période forte ; on croit que celle-ci sera décalée », estime Georges Bardagi, courtier immobiliser chez Remax. Certains croient que la récession sera de courte durée, avec une reprise rapide lorsque la crise se résorbera. L’APCIQ, dans un communiqué de presse diffusé le 18 mars, indique qu’elle « croit que l’impact de la crise de la COVID-19 sur le marché immobilier sera ponctuel et n’aura pas de conséquences catastrophiques sur les valeurs des propriétés », notamment parce que l’immobilier demeure tangible, ce qui lui confère une valeur plus stable et une résilience. « Dans le pire des scénarios, la crise s’étendrait sur une longue période, amenant des mises à pied et une hausse du taux de chômage, ce qui se traduirait par des conditions de prêt plus sévères et une baisse durable des prix de l’immobilier », ajoute toutefois M. Al-Haji.
Dans l’espoir de stimuler l’économie en convainquant les grandes banques et les institutions financières de réduire leurs taux préférentiels, la Banque du Canada a baissé son taux directeur d’un demi-point de pourcentage au début de mars, puis d’un autre demi-point le 13 mars, pour le situer à 0,75 %. Cette baisse des taux d’intérêt n’aurait un effet que lors de la reprise, précise M. Bardagi. D’autres mesures pourraient s’ajouter pour que le marché immobilier fonctionne relativement normalement. Le gouvernement canadien a d’ailleurs lancé une version révisée du Programme d’achat de prêts hypothécaires assurés (PAPHA),pour permettre un financement stable aux banques et aux prêteurs hypothécaires et assurer la continuité des prêts aux consommateurs et aux entreprises.
Prudence sur le terrain
Sur le terrain, les transactions en cours se poursuivent en intégrant toutes les recommandations de la Santé publique. Distanciation sociale oblige, on réduit au minimum les contacts. « Les courtiers n’iront pas chez le notaire, pour éviter qu’il y ait trop de monde autour de la table », donne comme exemple Georges Bardagi. Les visites libres sont également annulées et on se tourne vers le virtuel quand on le peut. L’APCIQ a par ailleurs retiré du système Centris toutes les visites libres et a désactivé la fonction dans le système jlundi dernier. « À ce stade-ci, l’accent est mis sur la santé du public ; les répercussions sur l’économie sont considérées comme secondaires », souligne M. Hogue.
Pour les promesses d’achat acceptées et conditionnelles, certaines visites s’imposent (inspection du bâtiment, évaluation), avec port de gants. Mais celles-ci sont réduites au minimum. « Notre priorité est de protéger nos courtiers et nos clients », indique M. Bardagi.
La crise ne toucherait pas trop les propriétés à revenus pour l’instant. « Les gens achètent des chiffres, il y a moins de visites. Ça va peut-être moins ralentir là que dans le résidentiel, où les gens veulent visiter. » Même chose pour les maisons vides, qui constituent moins un casse-tête pour les visites.
Mais dans ces temps de confinement, la résidence prend une importance toute particulière. « Les gens ont besoin d’un toit », indique M. Bardagi.