C'est un marché de vendeurs pour les locations cette saison!
28 mar. 2019En cette période de pointe pour la recherche d'un logement, les locataires doivent faire preuve de rapidité et montrer patte blanche pour espérer se trouver un toit. La Ville de Montréal l'assure, les logements disponibles dans la métropole sont plus rares cette année.
Après quelques années en Estrie, Julien Pouliot, 28 ans, a choisi de revenir vivre dans la région de Montréal avec sa conjointe. Il habite chez ses parents en attendant de trouver un appartement. Mais après plusieurs mois de recherches intensives et quotidiennes, il n'a toujours rien trouvé.
Il est pourtant prêt à payer 1300 $ par mois pour louer un quatre et demi près d’un métro.
Dans les quartiers que je recherche actuellement, et pour ce qu'il y a de disponible, c’est totalement ridicule. Par exemple, à Pointe-Saint-Charles, il y a des trois et demi à 1400$...C'est vraiment petit et [cher] pour ce que c'est. Mais la demande est là.
« Si t’étais pas là au bon moment pour envoyer ton message, tu vas voir qu’il y a eu 1000 visites [sur le site] pour cet appartement-là, alors ton message va passer [inaperçu]. Ça joue du coude en ce moment », poursuit-il, en évoquant le phénomène de l'offre et de la demande.
Le jeune homme s'estime toutefois chanceux de pouvoir faire ses recherches sans avoir de réel impératif de temps. « Je ne sais même pas ce que ça doit être pour quelqu’un qui est à la recherche d’un logement au plus vite. Ça prend beaucoup de temps et d'énergie. »
De l‘autre côté de la clôture, les propriétaires se frottent les mains. Plusieurs ont confié à Radio-Canada être assaillis par les candidatures et trouver rapidement preneur pour leurs biens immobiliers.
C’est le cas de Caroline Giard. Lorsqu’elle a publié sur Internet l’annonce de location pour son appartement, elle a reçu une trentaine de demandes de visites en moins de 24 heures. Cette propriétaire d’un triplex dans Verdun s’est alors empressée de retirer l’annonce « avant de recevoir une avalanche de messages ».
On a eu l’embarras du choix. Pour une première sélection, on s’est basé sur la qualité du message. On a regardé s’il y avait des formules de politesse : “bonjour”, ”merci”. Dans le cas contraire, on passait au suivant.
Si certains se montrent désinvoltes dans leur approche, elle a remarqué que d’autres n’hésitent pas à mettre les formes. Elle et son conjoint avaient établi un seul critère discriminant : pas de chien. Une femme qui a eu un coup de foudre pour leur appartement a tout de même tenté de les charmer en partageant le compte Instagram de son chien. « Elle voulait qu’on le trouve mignon, mais ça n’a pas marché », s’amuse Caroline Giard.
Grâce à l’abondance des candidatures, ils ont trouvé sans difficulté des locataires qui offraient des garanties : un couple avec des emplois réguliers. Comme de nombreux autres propriétaires, avant de faire leur choix, ils n’ont pas hésité à vérifier en profondeur le profil de plusieurs candidats.
« Un marché de propriétaires »
La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) le confirme, son équipe responsable des enquêtes de crédit croule sous les requêtes en ce mois de mars, période traditionnellement occupée sur le marché immobilier.
Selon l'analyse de son directeur affaires publiques, Hans Brouillette, la dernière décennie a été assez stable, avec un léger avantage pour les locataires. C’est pourquoi il n’est pas malheureux de constater que le taux d'inoccupation a diminué depuis deux ans.
Selon ses mots, ce contexte permet aux propriétaires de « souffler un peu » parce que désormais, ils trouvent plus facilement des candidats avec des profils qui correspondent à leurs attentes. Mais ce n’est pas vrai pour tous. Les logements vétustes ou en dehors des zones centrales ne trouvent pas toujours preneur.
Les dernières données de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) établissent le taux d'inoccupation à 1,9 % dans la région métropolitaine, le taux le plus bas en 14 ans. Dans la dernière année, le loyer moyen a quant à lui augmenté de 2,5 %.
Depuis maintenant trois ans, dans le Grand Montréal, on construit plus de logements locatifs que de condos. Donc, il y a beaucoup d'offres qui s'ajoutent au marché, mais la demande est tellement forte présentement que ça cause une baisse du taux d'inoccupation.
Francis Cortellino, analyste de marché pour la SCHL précise que la rareté des appartements s'explique par plusieurs facteurs : la grande région de Montréal compte plus d'immigrants et d'étudiants étrangers, et de plus en plus de jeunes ménages préfèrent louer plutôt qu'acheter. Les prix élevés font en sorte que les jeunes restent locataires plus longtemps.
Une pénurie qui concerne surtout les logements bon marché
Pour la propriétaire de l’agence Via Capitale du Mont-Royal, Nathalie Clément, il ne fait aucun doute qu’il s’agit surtout d’une « crise du logement abordable ».
Elle mentionne que la rareté est plus marquée pour les logements dont le loyer s’élève à 1000 $ et moins. Cependant, les appartements loués entre 1200 et 1800 $ trouvent aussi preneur très rapidement, précise la courtière d’expérience, qui observe aussi une accélération du marché pour les loyers très élevés.
Nathalie Clément pense que la construction de milliers de condos de petite surface (600 à 700 pieds carrés) dans les dernières années a permis « d’alléger » le marché locatif, ce qui éloigne le spectre d’un retour au contexte de la crise du logement du début des années 2000.
Même son de cloche du côté de la CORPIQ. Hans Brouillette rappelle qu’à l’époque le taux d'inoccupation était en dessous de 1 % et le marché immobilier moins florissant.
C’est un jeu de chaise musicale, tout le monde bouge. Les logements disponibles sont en réalité plus nombreux que le laisse entendre le taux d’inoccupation. Beaucoup de logements seront disponibles le 1er juillet.
Le porte-parole de la CORPIQ ne redoute pas que des personnes se retrouvent à la rue dans les prochains mois. Il note toutefois que les familles avec plusieurs enfants pourraient rencontrer des difficultés croissantes à se loger dans les quartiers centraux.
Même si la demande est faible pour les grands logements, les propriétaires ont des difficultés à louer, indique-t-il, parce que les ménages n’ont pas nécessairement les moyens de payer le « juste prix », qui se situe généralement au-dessus de 1200 $. « L’offre et la demande existent, mais ne se rencontrent pas », conclut-il.
Le taux d'inoccupation des logements de trois chambres et plus s'élève à 0,8 %.