À propos de la crise de l’assurance dans les copropriétés
16 nov. 2020L’accès à l’assurance n’arrête pas de se resserrer sur le marché de la copropriété. Il y a longtemps déjà que la situation est problématique, et elle n’a pas cessé d’empirer.
Maintenant, c’est grave.
Des syndicats de copropriété ont toute la misère du monde à trouver des assureurs pour protéger leur immeuble. Certains n’y parviendraient même pas.
C’est Yves Joli-Cœur qui tire la sonnette d’alarme, encore. Le médiatique avocat spécialisé dans les affaires de copropriétés est exaspéré. Il s’échine depuis des années pour que ce marché gagne en professionnalisme. Malgré d’importants progrès, notamment sur le plan réglementaire, il trouve que ça n’avance pas assez vite.
Son travail l’a encore amené, récemment, au chevet d’organisations mal en point, des syndicats de copropriété qui ne savent plus à quel saint se vouer. Il affirme avoir constaté près d’une dizaine d’immeubles qui n’avaient plus aucune protection d’assurance.
Résultats : des logements qui, virtuellement, ne valent plus rien. Quelle institution financière voudrait consentir un prêt hypothécaire pour l’achat d’un appartement qui peut s’envoler en fumée ?
Quant à leurs propriétaires, ils risquent de se retrouver sur la paille.
Une tempête parfaite
Pourquoi en sommes-nous rendus là ?
On parle de toute une soupe, les amis ! Ça mijote depuis trop longtemps, et ça ne sent pas très bon : des années de retard dans la mise à niveau du cadre réglementaire, l’insouciance de copropriétaires, l’incompétence de syndicats, la piètre qualité de certaines constructions (parfois dans des zones inondables), des ingrédients auxquels s’ajoutent aujourd’hui des pressions accrues sur l’industrie de l’assurance à l’échelle mondiale.
À force de maintenir les « frais de condo » le plus bas possible, donc d’entretenir au minimum les bâtiments, des syndicats ont dû multiplier les réclamations à la suite de dégâts de toutes sortes. Parfois, cela n’a rien à voir avec leur gestion, des problèmes récurrents frappent certains immeubles récents minés par des vices de construction.
On comprend les assureurs de déchanter. Ils sont quelques-uns, d’ailleurs, à avoir déserté ce secteur qui offre peu d’espoir de rentabilité. La concurrence s’effrite.
« Ce n’est pas un marché facile, et pas juste dans la copropriété. L’assurance de dommages en général a subi une cascade d’événements et a dû faire face à de nombreuses réclamations ces dernières années. Je vais vous dire, dans l’industrie, il n’y a personne qui ne croit pas aux changements climatiques », explique le courtier en assurance Vincent Gaudreau.
Dans un marché comme celui de la copropriété, où les réclamations en dommages sont en hausse indépendamment des catastrophes naturelles, les effets sont plus flagrants.
C’est pire encore pour les copropriétés qui traînent derrière elles un lourd historique de sinistres, ce sont elles qui peinent le plus à trouver une couverture.
« Oui, j’en ai vu qui se sont retrouvées sans assurance, mais rarement plus d’une semaine, affirme Vincent Gaudreau. J’ai toujours réussi à trouver une solution. »
Mais à quel prix ! Le coût des primes explose, les montants des franchises grimpent, le nombre d’exclusions, en particulier tout ce qui résulte des dégâts d’eau, se multiplie.
Des copropriétaires se trouvent finalement en situation où ils doivent payer pour les sinistres subis par leur immeuble en dépit de grosses primes d’assurance.
Pourquoi ? La plupart des dégâts ne sont plus couverts ou les coûts des dommages ne surpassent pas la valeur de la franchise.
Il faudra encore des années
Le porte-parole du bureau d’assu-rance du Canada (BAC), Pierre Babinsky, reconnaît la situation.
Les intérêts de son groupe n’ont pas toujours convergé vers ceux de l’avocat Yves Joli-Cœur et des gestionnaires de copropriétés, il y a des enjeux sur lesquels les clans s’opposent.
Toutefois, les deux s’entendent sur les causes du problème et les solutions pour le régler : des normes relevées dans l’industrie de la construction et une meilleure gestion des immeubles de copropriétés.
La loi a été adoptée il y a deux ans. On attend que certains aspects soient précisés par règlement avant que tout ça se mette en branle.
« Il faudra ensuite quelques années avant que les effets de la réforme se reflètent dans une diminution des sinistres, et plus encore dans le coût des primes », avertit Pierre Babinsky.
Voilà pourquoi l’avocat Joli-Cœur trépigne et implore Québec : adoptez-les, vos règlements !